Analyser un texte littéraire : conseils méthodologiques pour le Bac

Voici un long article pour aider les élèves à travailler l’analyse d’un texte littéraire. Les débutants y trouveront une première méthode, les confirmés quelques idées supplémentaires. N’hésitez pas à suivre les liens qui vous renseigneront sur les différents points abordés.

Il serait illusoire de vouloir mettre au point une méthode infaillible d’investigation des textes littéraires. L’analyse, l’interprétation et le commentaire ne peuvent – et ne doivent – émerger que des textes eux-mêmes, de leurs « couleurs » chaque fois particulières,  de leurs spécificités propres.

Le seul conseil possible serait dès lors de se rendre « disponible » au texte, d’être attentif à ce qu’il nous dit et à la manière dont il le fait.

Il est toutefois possible d’acquérir quelques méthodes pour l’analyse du texte littéraire. Elles sont autant d’outils avec lesquels se familiariser, et sont de deux types :

  1. Les « bons réflexes » : où chercher ? quelles questions se poser ?
    1. La composition du texte : unité, structure, mouvements
    2. Les techniques narratives
    3. Le lexique
    4. Le rythme, la « musique » du texte
    5. La notion de personnage
    6. La représentation du temps et de l’espace
  2. Les « outils » de l’analyse littéraire
    1. Les genres littéraires
    2. Narration, description, dialogue
    3. Les registres
    4. Les figures de style et les procédés d’écriture
    5. La versification.

Quelles questions se poser ?

Où chercher ? Quelles questions se poser ?

La composition du texte : unité, structure, mouvements

Lorsqu’il s’agit d’un extrait de roman ou de pièce de théâtre, interrogez-en toujours les bornes : d’où part-on, où arrive-t-on ? Quelle est l’unité et la cohérence de cet extrait particulier ? Pourquoi le texte a-t-il été « découpé » de la sorte ?

Lorsqu’il s’agit d’une poésie proposée dans son intégralité – qu’il s’agisse d’une fable ou d’un sonnet – posez-vous de la même façon la question de sa cohésion d’ensemble.

Dans tous les cas, portez votre attention sur la composition du texte :

  • Quels en sont les mouvements ? Quelle en est la structure ?
  • Peut-on y déterminer des moments de rupture significatifs ? Si oui, de quelle nature ?
  • Comment fonctionne la distribution des paragraphes, des strophes ou des répliques ?

Les techniques narratives

Lorsqu’il s’agit d’un texte narratif, d’un récit, d’un extrait de roman, interrogez-en le point de vue. Le point de vue correspond à l’angle de vue à partir duquel le narrateur donne à voir le monde. Posez-vous la question suivante : qui perçoit ? Trois techniques sont possibles :

Le point de vue omniscient
Le narrateur sait tout de ses personnages, leurs pensées, leur passé, leurs actions ; son regard surplombe l’ensemble de l’œuvre
Le point de vue interne ou « réalisme subjectif »
Le monde apparaît à travers le regard d’un personnage particulier
Le point de vue externe
Le monde est présenté sous une forme objective, dans une volonté de stricte neutralité.

NB : le point de vue peut tout à fait varier dans un même récit.

D’un point de vue général, il est toujours utile d’interroger l’énonciation d’un texte littéraire. Par opposition à l’énoncé, l’énonciation renvoie au sujet parlant ou écrivant, au moment même de la parole ou de l’écriture. Sachez en repérer les marques :

  • Examinez les marques de la première personne, qu’il s’agisse du pronom personnel (Je), des pronoms ou des déterminants possessifs (le mien, mon).
  • Les adverbes de temps ou de lieu susceptibles de renvoyer au moment même de la parole ou de l’écriture (maintenant, aujourd’hui, ici, là).
  • La présence d’un verbe au présent dans un texte au passé, qui est parfois l’indice de la présence du locuteur dans le discours.

NB : certains genres littéraires se prêtent particulièrement bien à ce type d’investigation. La lettre, par exemple, se définit par la particularité de son dispositif d’énonciation : elle est nécessairement adressée (un je parle à un tu ; le je est susceptible d’évoquer les circonstances mêmes de son écriture…).

Le lexique

Soyez toujours attentifs aux champs lexicaux d’un texte littéraire. Pour rappel, le champ lexical est l’ensemble des mots qui, dans un texte, permettent de développer et d’illustrer un thème. Un champ lexical très fourni dans un texte donné permet ainsi de traduire avec richesse et subtilité une émotion, une idée, une perception ; il nous renseigne alors sur la spécificité et le fonctionnement même de ce texte.

Observez également les niveaux de langage empruntés par un texte littéraire :

Le langage courant
Il désigne la langue commune, correcte mais sans recherche particulière, dont on se sert pour communiquer dans des situations ordinaires. Il est le plus souvent direct, efficace, informatif.
Le langage familier
Il se permet quelques libertés avec la syntaxe et le vocabulaire. Parfois teinté de régionalisme, empruntant à l’argot à l’occasion, il est employé entre proches, amis ou collègues. L’emploi du langage familier dans un texte littéraire peut répondre à deux exigences : un souci de réalisme (il s’agit de restituer un langage particulier, spécifique) ou une volonté de rapprochement et de complicité avec le lecteur (affective, la langue familière peut en effet traduire les émotions du quotidien).
Le langage soutenu
Niveau de langage littéraire et recherché. On ne s’y permet aucun écart avec la syntaxe et la sémantique. Le niveau de langage soutenu se caractérise par la recherche de la précision dans les termes et dans la syntaxe.

Le rythme, la « musique » du texte

Examinez toujours les particularités de la syntaxe du texte qu’on vous propose. Les phrases sont-elles courtes, longues ? Simples, minimales, complexes, truffées de propositions subordonnées ? Quel effet tout cela produit-il sur le rythme et la « musique » du texte ?

Observez les types de phrases : affirmative, interrogative, exclamative.

Interrogez toujours la ponctuation d’un texte littéraire. La ponctuation correspond à l’ensemble des signes qui permettent les respirations et les articulations de la phrase et du texte. Elle apporte un rythme, une « couleur ». Elle est par-là susceptible d’avoir une valeur émotive (pensez au point d’exclamation, au point d’interrogation, aux points de suspension…).

La notion de personnage

Dans le roman traditionnel, le personnage est assimilé à une personne. Ses traits naissent de l’imagination d’un écrivain (personnage fictif) ou sont empruntés à l’histoire (personnage historique). Il peut aussi présenter une nature mixte, lorsque l’auteur, s’inspirant d’un personnage ayant véritablement existé, romance plus ou moins consciemment les données de l’histoire à des fins dramatiques.

Dans le roman moderne et contemporain, le personnage tend à devenir une conscience (pouvant s’exprimer à la première personne, se confondant ainsi avec le narrateur du texte).

Interrogez toujours les personnages évoqués par le texte qui vous est proposé :

  • Qui sont-ils ? Quelle est l’identité de chacun ? Quels rapports chacun entretient-il avec les autres ?
  • Font-ils l’objet d’une description physique, psychologique ? Quels indices nous renseignent-ils sur leurs personnalités ?
  • Correspondent-ils à des types ? (Exemple, au théâtre : le jeune premier, le valet, le confident, etc. ; dans un conte : la princesse, la fée, la marâtre, la sorcière, etc.)
  • L’un d’entre eux se confond-il avec le narrateur ?

Exploitez éventuellement les notions suivantes : héros, antihéros, caricature.

La représentation du temps et de l’espace

Un examen de la représentation du temps est toujours utile :

  • Observez l’usage des temps verbaux. Y’a-t-il cohérence ? Y a-t-il rupture ?
  • L’action représentée se donne-t-elle à voir dans sa durée ou dans une simultanéité ?
  • Y a-t-il ellipse ? Le temps se donne-t-il à voir comme un cycle ? Y a-t-il retour à un point de départ, projection dans l’avenir, intemporalité, éternité ?

Posez-vous de la même façon la question de la représentation de l’espace :

  • L’espace est-il déterminé ? Fait-il l’objet d’une description?
  • Apparaît-il comme figé, mobile, exigu, vaste ? Est-il unique, pluriel ?
  • Les indications le concernant sont-elles porteuses d’une atmosphère, d’un climat, d’une tension particulière ?
  • Nous renseignent-elles sur l’état d’esprit du narrateur ? d’un personnage ?
  • L’espace décrit est-il réaliste, symbolique ?

Les outils de l’analyse littéraire

Les genres littéraires

Il importe de se familiariser avec la notion de genre littéraire. On distinguera les « grands » genres et les sous-genres :

  • le théâtre : farce, comédie, tragédie, tragi-comédie, drame romantique, vaudeville, boulevard, etc.
  • la poésie : sonnet, fable, calligramme, élégie, stance, ballade, satire, dizain, quatrain, poème en prose, art poétique, etc.
  • le roman : roman d’aventure, roman de mœurs, roman historique, roman policier, roman autobiographique, roman épistolaire, roman réaliste, roman psychologique, roman à thèse, etc.
  • la nouvelle
  • le dialogue : dialogue philosophique, entretien, roman dialogué, etc.
  • l’apologue : fable, parabole, conte, conte philosophique, exemplum, etc.
  • l’essai, le traité, etc.
  • le pamphlet, la satire, l’éloge, le blâme, la diatribe, etc.
  • les péritextes : préface, postface, avis au lecteur, épilogue, etc.

Il importe également de se familiariser avec de plus vastes catégories, comme :

La littérature didactique
L’adjectif didactique qualifie une oeuvre dont la finalité est de délivrer un enseignement, quel qu’il soit, et quelle que puisse prendre la forme de cet enseignement. Certains genres littéraires sont très clairement liés à la littérature didactique (le dialogue, l’entretien, le traité, etc), mais un roman, une pièce de théâtre ou encore une poésie peuvent avoir une pensée didactique.
La littérature polémique
L’adjectif polémique qualifie une œuvre porteuse de querelles, d’affrontements, de débats animés, voire une œuvre qui relève de la critique ad hominem (contre une personne réelle précise). L’œuvre polémique peut porter sur tous les sujets, mais les exemples les plus nombreux et fameux concernent le plus souvent le domaine de la politique. Certains genres littéraires sont très clairement liés à la littérature polémique (le pamphlet en est le meilleur exemple), mais un roman, une pièce de théâtre ou encore une poésie peuvent tout aussi bien avoir une dimension polémique.
J'accuse (pas Emile Zola)

NB : ne cherchez jamais à figer un texte ou un extrait dans l’une de ces catégories ; un extrait littéraire recouvre des enjeux multiples, se caractérise par des propriétés diverses, pouvant relever de plusieurs catégories à la fois.

Narration, description, dialogue

La narration : type de discours qui rapporte des événements par la voix d’un narrateur. Elle repose essentiellement sur des choix d’écriture :

  • Un système d’énonciation, un point de vue dominant, un système de temps (ex : imparfait / passé simple).
  • Sous sa forme la plus traditionnelle, elle s’organise selon une progression chronologique marquée par des indices de temps et de lieu.
  • Elle peut comporter des passages descriptifs et inclure des paroles rapportées.

La description : discours qui nomme, précise les caractères et les qualités d’un personnage, d’un objet ou d’un lieu. La description, qui permet de mettre en place les éléments d’un décor à valeur symbolique ou réaliste, repose sur un certain nombre de procédés :

  • Le choix d’un point de vue, un vocabulaire concret, des verbes de perception, des présentatifs, des verbes d’état.
  • La syntaxe de la description des indices spatiaux privilégie l’apposition et la proposition relative.
  • Certaines figures de style comme la métaphore, la comparaison, l’énumération.
  • Soyez par ailleurs toujours attentif à l’organisation de la description : vue générale ? gros plan sur un détail ? du haut vers le bas ou inversement ? de gauche à droite ou inversement ? etc.
  • Un cas particulier : le portrait ; il s’agit de la description d’une personne. Pouvant inclure ses traits physiques, sa psychologie, ses habitudes, ses attitudes, ses activités, il donne vie au personnage.

Le dialogue : il retranscrit un échange de paroles sous la forme d’une suite de répliques au discours direct ou indirect. On le reconnaît par la présence d’une ponctuation particulière, par l’utilisation de verbes déclaratifs et de propositions incises (dans le roman).

NB : sachez distinguer le discours direct, le discours indirect et le discours indirect libre.

Les registres

Les registres correspondent aux catégories de représentation et de perception du monde que la littérature peut exprimer. Ils correspondent ainsi à des attitudes face à l’existence, des émotions fondamentales.

De nombreux exemples :

  • le registre tragique : conscience de la condition de mortel et désespoir
  • le registre comique : rire
  • le registre polémique : colère, affrontement et conflit
  • le registre épique : grandeur et héroïsme
  • le registre lyrique : épanchement individuel, amour et plainte
  • le registre pathétique : émotion puissante et plainte
  • le registre fantastique : de l’extraordinaire dans le réel
  • le registre satirique : dénonciation des ridicules
  • le registre didactique : savoir et enseignement
  • etc.

NB : le registre est une catégorie assez « libre » : chaque registre peut intervenir à peu près dans tous les genres littéraires, selon les « moments » du texte, et selon les perspectives choisies par l’auteur.

Les figures de style et les procédés d’écriture

Attention, une règle fondamentale à signaler : il ne sert à rien de repérer une figure de style ou un procédé d’écriture particuliers s’ils ne servent pas l’interprétation. Une figure de style « décorative » ne peut faire l’objet d’un commentaire ; à l’inverse, une figure de style faisant sens doit faire l’objet d’une analyse et d’un décryptage.

Les figures de style sont extrêmement nombreuses, certaines très complexes. Vous pouvez consulter notre liste des figures de style les plus courantes.

La versification

Voici quelques notions à connaître, quelques termes à utiliser :

L’alternance
Règle de la versification française classique, qui utilise après une rime masculine une rime féminine.
La césure
Etymologiquement, la césure est une coupure. Elle divise le vers en deux demi-vers, aussi appelés hémistiches. Ainsi, dans l’alexandrin classique, la césure intervient après la sixième syllabe.
Le contre-rejet
On parle de contre-rejet en versification lorsqu’une phrase commence à la fin d’un vers et se poursuit dans tout le vers suivant (au moins).
La coupe
La coupe est un arrêt à l’intérieur d’un vers, qui peut en posséder plusieurs. Dans un alexandrin, la coupe principale se trouve en général après la sixième syllabe (césure) ; dans un octosyllabe, elle intervient d’ordinaire après la troisième ou la quatrième syllabe ; dans un décasyllabe, on la remarque après la quatrième syllabe.
La diérèse
En poésie, on appelle diérèse le fait de prononcer en deux syllabes deux voyelles consécutives. Ex : Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien (Arthur Rimbaud, Poésies, « Sensation »).
L’enjambement
Procédé rythmique qui consiste à rejeter sur le vers suivant un ou plusieurs mots nécessaires au sens du vers précédent. L’enjambement supprime l’arrêt en fin de vers et prolonge une proposition dans le vers suivant sans toutefois le remplir. On appelle rejet la portion rejetée dans le vers suivant.
Les rimes croisées
Dans un groupement de vers, on dit que les rimes sont croisées lorsqu’elles présentent le schéma ABBA.
La rime masculine
Par opposition à la rime féminine, on nomme ainsi une rime qui n’est pas terminée par un e muet.
La rime féminine
Rime terminée par un e muet.
Les rimes pauvres
Rimes qui comportent un seul son identique.
Les rimes plates
Rimes dont la succession répond au schéma AA BB CC etc.
Les rimes riches
Rimes qui comportent au moins trois sons identiques.
Les rimes suffisantes
Rimes comportant deux sons identiques.
La strophe
Ensemble de vers formant un système.
Les vers irréguliers
Un poème est constitué de vers irréguliers lorsque ses vers ne présentent pas le même nombre de syllabes.
Le vers léonin
On dit qu’un vers est léonin lorsque ses hémistiches riment ensemble.

Tout cela est très théorique et mériterait un peu d’entrainement n’est-ce-pas ? Pourquoi pas à l’occasion de nos stages de français des vacances de printemps ? En attendant n’hésitez pas à poser vos questions en commentaires !

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Vanina Gé
Professeur de français aux Cours Thierry
J'interviens avec le souci constant de répondre au plus près des besoins des élèves de collège et de lycée dans un espace inédit de travail en petits groupes.

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