Dissertation sur l’inconscient corrigée pour le bac de philosophie
Une fois n’est pas coutume, voici le corrigé d’une dissertation de philosophie dont le sujet est « Peut-on connaître l’inconscient ?« .
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Sujet : peut-on connaître l’inconscient ?
Introduction
Si le regard des autres est parfois si impressionnant, c’est que nous sentons qu’ils peuvent saisir à tout instant des caractéristiques de nous-mêmes que nous ne contrôlons pas, ne voulons pas voir, ou dont nous n’avons pas conscience.
Selon la psychanalyse, inventée par Freud au début du XXème siècle, la plus grande partie de notre psychisme échappe à notre conscience. Néanmoins, la thérapie par la parole permet aux souvenirs inconscients de rejaillir. L’inconscient serait donc connaissable. Cependant, n’est-ce pas paradoxal ?
L’inconscient est par définition ce qui n’est pas conscient, ce qui échappe à notre conscience. Connaître signifie savoir. Un savoir est ce dont on peut parler, ce qu’on a emmagasiné dans notre mémoire et qu’il nous est possible d’exposer. Connaître renvoie aussi à l’expérience : nous connaissons ce dont nous avons l’expérience, ce à quoi nous avons accès, ce que nous éprouvons. Connaître une chose, peut signifier savoir que cette chose existe, à un plus bas degré de connaissance. (Je connais tel chanteur, j’en ai entendu parler). A un niveau plus élevé, connaître une chose, c’est savoir ce qui la caractérise, ce qui correspond à son être.
Si l’inconscient échappe à notre conscience, alors, en tant que tel, nous ne pouvons pas en parler. De même, il semble que nous ne puissions pas en faire l’expérience.
Nous verrons dans un premier temps qu’a priori, l’inconscient est ce qui échappe à notre conscience, et donc, à notre connaissance. Puis nous nous pencherons sur le fait que selon la psychanalyse, une science de l’inconscient est néanmoins possible. Nous tâcherons ensuite de préciser en quel sens il est juste de dire que l’inconscient peut être connu.
L’inconscient, ce qui échappe à notre connaissance
L’inconscient, par définition, échappe à notre conscience. Selon la psychanalyse, les traumatismes de notre petite enfance, les frustrations, assimilables à de micro traumatismes, les pulsions honteuses, ont été refoulées hors du champ de notre conscience. Nous n’en avons aucun souvenir. Malgré tout, ces traumatismes, ces pulsions nous hantent, colorent notre vie consciente et exercent sur elle une forme de pression. Les rêves, mais aussi les lapsus ou les actes manqués illustrent cette tendance de notre inconscient à se manifester à notre conscience. Les rêves sont en effet, la première manifestation de l’inconscient. Comment rendre compte de leur cohérence, de la force avec laquelle ils semblent signifier quelque chose, de l’impression que tout y est symbole, sans poser l’existence d’une part de nous-même qui a sa logique propre, sa vie propre, et qui ne demande qu’à s’exprimer ? Les lapsus sont un phénomène extrêmement étonnant : il semble qu’une partie de nous-même devance notre moi conscient et exprime des vérités que nous aurions voulu cacher. Les actes manqués, de même que les lapsus, témoignent qu’une partie de nous résiste à notre volonté, est comme plus forte que nous. Mais cet inconscient, s’il colore la vie consciente, reste inaccessible à la conscience. C’est ce qui le rend fascinant.
Nous ne sommes que très partiellement conscients de nous-mêmes et lucides sur nous-mêmes. En effet, très souvent, des mouvements de notre corps nous échappent, nous contrôlons peu les expressions de notre visage. De même, nous avons tendance à nous construire une image de nous-même rassurante dans laquelle nous mettons de côté certaines failles, certaines tendances, certaines compulsions. Pascal énonce cette cruelle vérité dans ses Pensées en disant qu’il nous serait insupportable de connaître ce que les autres pensent de nous. Ces derniers ont en effet un recul sur nous-même qui leur permet de saisir des aspects que nous ne voulons pas voir. Pour Pascal, une sorte d’accord tacite s’installe entre les hommes : nous nous mentons les uns les autres car la vérité sur nous-mêmes est insupportable. Ainsi, quand nous faisons une remarque à quelqu’un, nous commençons toujours par le flatter, par exagérer des éléments positifs le concernant. Nous souhaitons au fond que tous fassent de même avec nous et nous préservent. C’est en raison de l’amour propre que nous partageons tous, que nous entretenons ce mensonge.
L’hypermnésie est une maladie rare dont on peut imaginer qu’elle est insupportable. Avoir en permanence présents dans notre conscience tous nos souvenirs nous empêcherait de vivre et serait source d’épuisement. De nombreux souvenirs nous habitent et façonnent notre personnalité, sans être immédiatement présents à notre esprit. Dans le phénomène de la réminiscence, décrit par Marcel Proust dans son roman, A la recherche du temps perdu, des souvenirs enfouis rejaillissent, d’eux-mêmes, au contact de sensations. Ces sensations touchent d’elles-mêmes des souvenirs que nous croyions à jamais perdus et les font rejaillir. Freud appelle pré-conscient cette dimension du psychisme qui est hors du champ de la conscience et contient nos souvenirs latents, que le présent ne nous somme pas de convoquer. Ce pré-conscient appartient à l’inconscient. Or, dès lors que ces souvenirs inconscients remontent à la conscience, et deviennent connus de nous, ils cessent d’être inconscients. L’inconscient, en lui-même, n’est donc pas connaissable.
Cependant, de nombreuses expressions du langage courant semblent traduire une proximité que nous entretenons avec l’inconscient, avec notre inconscient, comme si un second « nous » nous habitait et que nous en avions une certaine connaissance, ainsi les expressions suivantes : « c’est un lapsus révélateur », « c’est le retour du refoulé », « c’est mon inconscient qui parle ». L’inconscient ne serait-il pas un quelque chose, en nous, délimité, que l’on pourrait conquérir, apprivoiser et connaître ?
La psychanalyse ou science de l’inconscient
Selon la psychanalyse, une connaissance de l’inconscient humain en général mais aussi de notre propre inconscient est possible.
La psychanalyse est basée sur l’idée que nos névroses et nos souffrances viennent principalement de l’existence de notre inconscient qui nous échappe et nous empêche de nous affirmer comme sujet conscient et libre.
Il existerait des caractéristiques communes à l’inconscient de tout homme, légitimant le fait de parler de l’inconscient comme d’une entité propre, indépendante et faisant qu’il est possible de connaître l’inconscient en général, de connaître son être, ses caractéristiques. Freud, en effet, propose de décrire le psychisme humain à l’aide de l’image d’une habitation. L’inconscient correspond à une antichambre très vaste gardée par un gardien. Cette antichambre contient toutes les pulsions que nous avons refoulées dans notre enfance, voire même plus tard, ainsi que tous nos traumatismes trop douloureux. Ces pulsions exercent une force sur le gardien et tentent de pénétrer dans le salon, dans lequel siège l’œil de la conscience. Le gardien, symbole d’une censure inconsciente, empêche les pulsions de s’échapper. Il est à noter que l’antichambre est bien plus vaste que le salon, ce qui signifie que la plus grande partie de notre psychisme échappe à notre conscience.
Ces pulsions inconscientes, refoulées, sont à lier aux différents stades du développement de l’enfant. Ainsi, il n’y a pas autant d’inconscients qu’il existe d’individus mais il existe des constantes, dans nos différents inconscients, légitimant une science de l’inconscient. En effet, la petite enfance est une succession de frustrations ou de micro traumatismes. Le stade oral est privation du plaisir de la tétée, le stade anal, de la liberté d’uriner et de déféquer, tandis que le stade phallique implique la résolution du complexe d’Œdipe, résolution qui s’accompagne d’une forme de renoncement, d’acception et donc de frustration : le petit garçon doit admettre qu’il n’épousera pas sa mère, de même pour la fillette avec son père.
Non seulement, il est possible de connaître dans ses grandes lignes, l’histoire de la constitution de l’inconscient de chaque homme, et donc de connaître l’inconscient en général, mais encore, selon la psychanalyse, chaque individu peut, par le traitement psychanalytique ou thérapie par la parole, expérimenter son propre inconscient en le libérant de la censure. Cette thérapie repose sur une relation entre thérapeute et analysé qui reproduit principalement la relation de la mère à l’enfant : le patient reçoit une écoute, une attention à ses moindres mots, à ses moindres gestes, qu’il n’a pas reçue depuis qu’il était petit enfant, entre les bras d’une mère soucieuse de son bien-être et à l’écoute de ses moindres signes. La neutralité de la voix du psychanalyste rappelle quant à elle la manière dont l’enfant, dans le ventre de sa mère, percevait la voix de sa mère ; lointaine, étouffée. La posture allongée sur le divan implique que l’analysé ne voit pas son thérapeute, ce qui, à nouveau, peut évoquer la posture de l’embryon, dans le ventre maternel. Le patient parle par associations libres, se libère de sa raison, laisse son imaginaire le guider et peu à peu s’abandonne et laisse ses pulsions et ses traumatismes inconscient rejaillir. Alors, dans le cas d’une thérapie réussie, il vit une sorte de choc, les souvenirs ne se contentent pas de réapparaître à la conscience, ils sont revécus avec une grande intensité. C’est toute une partie de leur psychisme qu’ils découvrent. Sous ce rapport, l’inconscient est éprouvé, expérimenté, en quelque sorte, par les patients, qui en ont une connaissance dans le sens d’une expérience. D’ailleurs, tout psychanalyste doit avoir accompli et réussi une psychanalyse, autrement dit, doit connaître l’inconscient de manière théorique et expérimentale.
Cependant, la psychanalyse n’est pas une science mais une pratique controversée. Elle n’est pas une science et se trouve dans l’impossibilité de le devenir, comme l’indique Karl Popper. Les psychanalystes, en effet, se sont construits personnellement et ont construit leur carrière professionnelle sur le postulat de la réussite de la thérapie par la parole. Ceux qui sont les mieux à même d’étudier la psychanalyse sont matériellement et psychologiquement incapables de la remettre en question. Or une théorie scientifique n’est vraie que si elle est falsifiable. C’est donc sur un acte de foi que nous affirmons que l’inconscient est connaissable. Il ne s’agit donc pas d’une connaissance, d’un savoir, mais d’une forme de croyance.
Connaître l’inconscient
D’un côté, il semble évident que l’inconscient est ce que nous ne pouvons pas connaître. Il y a une impossibilité logique à connaître ce qui n’est pas conscient et nous expérimentons à de nombreuses reprises qu’une part de nous-mêmes nous échappe. D’un autre côté, si l’on en croit la psychanalyse, l’inconscient en général, comme notre propre inconscient, est connaissable.
Sans nier l’existence d’une part inconsciente de nous-mêmes, nous pouvons, avec le philosophe Alain, contester l’existence d’un inconscient psychique et avancer l’idée que l’inconscient relève du corps, c’est-à-dire du mécanisme, du machinal, du réflexe. Cet inconscient, s’il ne peut pas être éprouvé, ressenti, puisqu’il n’appartient pas au psychisme, peut en revanche être observé scientifiquement et donc connu, à l’aide d’expérimentations. Il est aussi appelé, de manière paradoxale, inconscient cognitif. Cognitif, ici, peut en effet être trompeur : cet inconscient renvoie à une forme de réflexe de notre corps, réflexe associé à la nécessité où nous sommes d’analyser correctement une situation pour notre survie. Plusieurs pathologies ont permis à des neuropsychologues d’observer cet inconscient cognitif : l’amnésie rétrograde, la vision aveugle ou l’héminégligence spatiale. Prenons l’exemple de la troisième de ces pathologies. Les patients n’ont pas conscience de la partie gauche de leur champ visuel. Soit deux dessins qui leurs sont présentés. Sur le premier, une maison simple, sur le second, une maison dont l’une des fenêtres, située à gauche de la feuille, laisse s’échapper de la fumée. La plupart des patients (14 sur 17), bien qu’ils aient affirmé ne pas voir de différence entre les deux maisons, disent préférer habiter dans la première maison. Il existe donc en nous des mécanismes non conscients, dont nous pouvons prouver l’existence et, sous ce rapport, que nous pouvons connaître. Mais il s’agit du plus bas degré de connaissance : nous connaissons x dans le sens où nous savons que x existe.
Concernant enfin cette obscurité que nous éprouvons face à nous-mêmes, et cette impression que d’autres peuvent y accéder, c’est avant tout parce que notre corps nous échappe toujours, tandis que nous le livrons aux autres. Nous ne pourrons jamais nous percevoir tels qu’ils nous perçoivent. Notre corps, mais aussi nos paroles, nos intonations, nos silences, etc. non seulement nous sont inconnus, mais encore, révèlent des aspects de nous-mêmes que nous pouvons avoir tendance à nous cacher et qui sont, de ce fait, plus ou moins conscients. Si nous pouvons difficilement, par l’introspection, accéder à ces parties obscures de nous-mêmes, en revanche, par des relations aux autres inscrites dans la durée et fondée sur la bienveillance, qu’il s’agisse de relations thérapeutiques ou amicales, nous pouvons, n’en déplaise à Pascal, nous découvrir un peu mieux nous-mêmes, grâce à leurs avis sur qui nous sommes.
Conclusion
Si la connaissance d’un inconscient qui serait une entité de notre psychisme dépend de notre foi en la psychanalyse, en revanche, l’inconscient cognitif, qui est lié à notre corps et à ses réflexes de survie, est connaissable, dans le sens où nous pouvons être sûrs de son existence et la manifester par des expérimentations. Par ailleurs, grâce à la relation avec autrui, certaines zones d’ombre de notre personnalité peuvent nous être révélées. Il ne s’agit pas d’inconscient au sens freudien du terme mais plutôt, de non conscient, de ce qui, en nous, n’apparaît pas de manière claire à notre conscience.
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