Commentaire composé d’une fable de la Fontaine : Les deux amis

A l’approche de la fin de l’année scolaire et de l’épreuve anticipée de français, nous proposons ici un exemple de commentaire composé rédigé, à propos d’une des fables de la Fontaine : les deux amis.

A propos de la méthodologie de cet exercice, vous pouvez consulter mes autres articles sur le commentaire composé.

Jean de la Fontaine

Texte de la Fable de la Fontaine : les deux amis (second recueil – 1678) :

Deux vrais amis vivaient au Monomotapa :
L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre :
Les amis de ce pays-là
Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s’occupait au sommeil,
Et mettait à profit l’absence du soleil,
Un de nos deux Amis sort du lit en alarme ;
Il court chez son intime, éveille les Valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L’ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ;
Vient trouver l’autre, et dit : Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme :
N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
En voici. S’il vous est venu quelque querelle,
J’ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
Était à mes côtés ; voulez-vous qu’on l’appelle ?
Non, dit l’ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point :
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ;
J’ai craint qu’il ne fût vrai, je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.
Qui d’eux aimait le mieux ? Que t’en semble, lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu’on la propose.
Qu’un ami véritable est une douce chose!
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s’agit de ce qu’il aime.

illustration les deux amis

Introduction du commentaire

La fable « Les deux amis » (fable XI, livre XIII) composée d’alexandrins et d’octosyllabes est tirée du second recueil des Fables de Jean de La Fontaine. Elle met en scène deux amis. L’un d’eux se précipite suite à un rêve préoccupant dans la chambre de l’autre qui, inquiet, se réveille et lui offre pour le satisfaire son épée, sa bourse et son esclave. La Fontaine prend à témoin le lecteur des vertus de l’amitié. Dans le but d’apprécier l’efficacité de cet apologue qui illustre l’idée selon laquelle tout ami véritable se doit d’être généreux, prévenant et attentionné, on s’intéressera d’abord au déroulement du récit autour du thème de l’amitié réciproque. Dans un deuxième temps, nous montrerons la portée critique mais aussi universelle de la fable sous des dehors par endroits divertissants.

I – Une amitié sous le sceau de la sincérité et de la réciprocité

Dès l’ouverture, le thème de l’amitié est placé sous le sceau de la sincérité : « Deux vrais amis ». Le terme « ami »est repris six fois au fil du texte de façon explicite. Par ailleurs, l’auteur indique ce sur quoi repose cette amitié. Les deux amis rivalisent en termes de générosité matérielle pour l’un (qui donne son « épée », sa « bourse » ou son « esclave ») et affective pour l’autre (« vous m’êtes en dormant un peu triste apparu »). Bien que les deux amis soient liés socialement et intimement (« il court chez son intime »), l’auteur prend soin de les distinguer. Ils sont présentés comme dans un diptyque : l’un a un comportement statique (endormi) et l’autre en perpétuel mouvement ( « il court », « je suis vite accouru »).

On se rend compte que l’auteur prend soin de préciser les degrés de l’amitié qui se joue sur le plan de la générosité, de la crainte voire de la tristesse. Autrement dit, l’auteur fait preuve d’une très grande finesse d’observation. On se rend compte que l’ami qui a été réveillé anticipe les besoins de l’autre. Cette sollicitude renvoie en quelque sorte la sollicitude de l’autre (que son rêve tourmente) en miroir. Le dialogue qui s’établit entre les deux personnages se situe au cœur du récit, occupant près de la moitié des vers, constitue une petite scène de théâtre. Reste que l’ensemble des répliques pourrait-on dire ne trouvent pas de réponse. L’échange est en suspens au point de mettre en valeur la sollicitude qui anime les personnages.

Par ailleurs, cette situation tend à légitimer l’appel au lecteur que l’auteur tutoie pour une meilleure implication : « Qui d’eux aimait le mieux? Que t’en semble lecteur ? ». Cette implication du lecteur apparaissait en filigrane dès le début à travers le possessif « nos amis ». Probablement faut-il comprendre que l’amitié repose sur cet échange bien plus qu’elle ne dépend d’un comportement ou d’un autre.

II – Une critique sociale

Il n’est pas impossible que l’on ait affaire à la mise en oeuvre d’une amitié allégorique au service d’une critique sociale. En effet, on se rend compte que le début de la fable campe un décor utopique rappelant l’Orient (« Monomotapa ») qui dépayse le lecteur et l’invite à une mise à distance de la situation.

Ce dépaysement est renforcé par l’anonymat des deux personnages (« l’un l’autre », « chacun », l’ami », « qui d’eux ») qui donne à la fable un caractère généralisant voire universel.

D’un point de vue stylistique, les vers 3 et 4 sont des octosyllabes qui marquent un décrochement dans le récit : » les amis de ce pays-là valent bien, dit-on, ceux du nôtre ». On assiste à un processus d’éloignement (« pays-là ») et de rapprochement (« nôtre ») sur le mode ironique (« dit-on » placé au cœur du vers). L’auteur incite le lecteur à observer la situation et au-delà des personnages, la société dans laquelle ils évoluent d’un œil critique. Les deux personnages appartiennent au rang de la noblesse d’après le lexique qui les caractérise (« le palais », « l’épée », « le valet », « l’esclave »). Probablement peut-on y reconnaître une critique implicite de la société aristocratique du XVIIème siècle. L’ironie donne plus d’épaisseur au texte. La référence mythologique à Morphée est de l’ordre de l’ironie bien qu’elle contribue également à créer une atmosphère dépaysante.

On remarque par ailleurs que le dialogue est construit sur un rythme rapide, très vivace, proche du comique de mots qui fait écho au comique de situation, notamment lorsque le personnage court dans tous les sens. L’ensemble ne peut laisser le lecteur indifférent. Tout concourt à stimuler la réflexion du lecteur sensible à la sincérité des sentiments dans un premier temps. L’implicite du texte vers lequel l’interpellation au lecteur oriente, déstabilise les certitudes d’une première lecture.

Conclusion

On se rend compte que cet apologue focalisé sur le thème de l’amitié repose entièrement sur le questionnement. Le dialogue au cœur du récit en est une illustration. L’auteur met en scène une situation simple, claire et convaincante par l’efficacité de la mise en scène. Reste que l’implicite du texte laisse entendre que le texte suppose plusieurs lectures, notamment celle d’une critique sociale de l’aristocratie, que seuls des initiés peuvent percevoir. L’apologue sous des dehors de simplicité révèle un surcroît de sens.

 

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Vanina Gé
Professeur de français aux Cours Thierry
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