Dissertation – Bac français 1ère
Nous vous proposons aujourd’hui, un nouveau sujet de dissertation pour vous entraîner avant l’épreuve anticipée de français au baccalauréat. N’oubliez, si ce n’est déjà fait de consulter le premier sujet de dissertation que nous vous avons proposé.
Ce sujet de dissertation proposé en classe de première vise à mettre en situation l’élève qui se retrouve face à ses compétences en matière de méthodologie et de connaissances de la littérature française principalement. Ce corrigé sans en exclure d’autres possibles s’avère utile pour se préparer au bac : s’entraîner à l’épreuve de dissertation, consolider ses références littéraires ou encore améliorer son niveau de langue. Dans tous les cas, il est conseillé de faire régulièrement des exercices pratiques jusqu’à l’avant-veille des écrits du bac pour tester ses capacités.
Sujet : « Est-il plus efficace de défendre une cause ou de dénoncer une injustice à travers une fiction ou à travers une argumentation ? »
Les termes du sujet nous invitent à réfléchir sur deux modes d’écriture – l’argumentation et la fiction – pour savoir si l’un des deux est susceptible de l’emporter en termes d’efficacité dans la défense d’une cause ou la dénonciation d’une injustice : » Est-il plus efficace de défendre une cause ou de dénoncer une injustice à travers une fiction ou à travers une argumentation? ». L’argumentation ou discours est une forme d’éloquence soumise à des règles qui remontent à l’Antiquité. Elle a pour objectif de convaincre et de persuader le lecteur ou l’auditeur. A titre d’exemple, le discours judiciaire vise à dénoncer ou défendre quelqu’un ou une cause. Les œuvres en revanche portant mention de roman ou poème relèvent pour leur part de la fiction. L’auteur s’ingénie à transformer une réalité « extratextuelle » (un fait divers par exemple) en réalité « textuelle ». Il s’agira donc en premier lieu de montrer en quoi l’argumentation peut se révéler particulièrement efficace notamment par la stratégie rigoureuse d’un raisonnement et l’efficacité des émotions. En second lieu, nous verrons que les œuvres fictives ne manquent cependant pas de ressources en la matière juste avant d’aborder des textes qui conjuguent à la fois argumentation et fiction tels que le conte philosophique par exemple ou l’apologue.
Certains discours du siècle des Lumières laissent penser que l’argumentation est particulièrement efficace en termes de dénonciation d’une injustice ou de défense d’une cause. Que l’on songe au Traité sur la tolérance (1763) de Voltaire ou encore L’Esprit des lois (1748) de Montesquieu. Dans le premier cas, Voltaire défend la justice à partir de l’affaire Marc Antoine Calas. Il s’agit d’un jeune protestant prêt à se convertir au catholicisme que l’on retrouve mort chez son père. Ce dernier sera accusé d’assassinat . Le parlement de Toulouse le condamne, le torture et l’exécute sans preuve. Voltaire relance l’affaire pour obtenir la réhabilitation de la famille Calas. Dans l’essai L’Esprit des lois, Montesquieu dénonce l’esclavage colonial (dont l’Encyclopédie se fait l’écho) et affirme que les Noirs sont des hommes, les égaux des Blancs.
L’efficacité de ces textes tient à la stratégie mise en oeuvre. Celle-ci repose sur la rigueur de l’évidence. L’auteur généralement réussit à s’effacer derrière les faits qui parlent d’eux-mêmes. Il parle au nom de la raison. Cela dit, les arguments dépassent la dimension purement théorique. Ils sont chargés d’émotion. Voltaire parle par exemple d' »affreux supplice ». Raison et compassion s’entremêlent pour plus d’efficacité. Si l’on prend l’exemple d’un extrait de L’Esprit des lois où Montesquieu dénonce l’esclavage, on se rendra compte que les arguments s’enchaînent rigoureusement et sont de plusieurs types: à la fois économiques, philosophiques et moraux. Par ailleurs, la subtilité du raisonnement par l’absurde est redoutable. En effet, Montesquieu prend stratégiquement et ironiquement le point de vue de l’esclavagiste pour dénoncer l’esclavage. Les arguments employés justifient l’esclavage tandis que le raisonnement par l’absurde le dénonce. La dimension ironique du propos démultiplie l’efficacité du raisonnement.
Les textes sont démonstratifs et finissent par avoir un caractère exemplaire. A ce titre, il semble que l’on ne puisse douter de leur efficacité. Reste que l’on ne peut restreindre l’analyse à ce seul et unique type d’écriture.
Les ressources de la fiction méritent d’être prises en compte. La fiction a plutôt vocation à divertir. En effet, le roman est une fiction et en aucun cas un traité politique ou idéologique. On peut citer dans cette perspective, les romans d’évasion Robinson Crusoë de Defoe, L’Or de Blaise Cendrars ou Le Chercheur d’or de Le Clezio. Les romans d’aventures s’inscrivent dans la même perspective: les romans de cape et d’épée de Dumas (Les Trois mousquetaires par exemple) ou les romans d’Agatha Christie ou encore le roman L’Atlantide de Pierre Benoît.
Mais ce n’est là qu’une facette possible des romans. Certains autres laissent une place importante aux idées politiques. La Curée de Zola dénonce l’enrichissement des banquiers sous le second Empire. Germinal du même auteur décrit les débuts du prolétariat et la revendication d’un droit de grève. L’auteur se fait le porte-parole d’une catégorie sociale. Si l’on regarde d’un peu plus près L’Assommoir (1877) de Zola, on se rend compte que l’auteur dénonce des conditions de vie du milieu ouvrier en insistant sur leur existence marquée par la misère, la déchéance et la mort. L’animalisation du père Bru transforme certains passages en dénonciation d’une classe sociale. L’efficacité de l’écriture reflète le courant naturaliste dans lequel l’oeuvre s’inscrit.
Le rôle du personnage est à ce titre essentiel. Les idées défendues acquièrent une dimension universelle surtout quand elles sont incarnées par des personnages de ce type. On pourrait citer dans cette perspective, le personnage de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal (1830), notamment sa plaidoirie en toute fin de roman. Julien Sorel est condamné pour avoir tiré sur Madame de Rénal. Il prononce un discours, non pour se défendre mais pour critiquer la société. Le discours se révèle construit et captivant par le mélange de plusieurs registres (polémique, dramatique et pathétique). Il en ressort un personnage martyr au destin joué d’avance, victime de l’injustice de ses bourreaux, des bourgeois.
Le choix des idées ou le choix d’une forme, en l’occurrence le roman (mais on aurait pu citer la forme épistolaire des Lettres persanes) ou encore la création d’un personnage incarnant des valeurs pour finir universelles peuvent se combiner pour un maximum d’efficacité. Ajoutons que le contexte historique et/ou idéologique favorise la réception des textes. L’efficacité du roman tient également au pacte de lecture que l’auteur établit avec son lecteur.
Avec davantage d’attention, on remarque que certaines œuvres combinent le discours et la fiction. C’est le cas du conte philosophique Candide de Voltaire. L’auteur insère dans un cadre narratif proche du merveilleux avec des personnages stéréotypés, voire indéterminés, naïfs et ingénus tel le héros Candide, des critiques ciblées de la noblesse, de la religion et de l’éducation ou encore du pouvoir qui cherche à manipuler les gens. Le style est percutant d’autant qu’on a affaire à une réécriture parodique de la genèse avec un château (le Jardin d’Eden), une femme « appétissante » Cunégonde (la pomme) et Candide amoureux en quête de connaissance (l’arbre de la connaissance du bien et du mal).
Dans la même perspective, il conviendrait de citer les Fables de Jean de La Fontaine qui sont un pur divertissement au service de la critique. L’auteur utilise les ressources de la fable pour amener le lecteur à réfléchir avec lucidité sur les travers de la société et/ou de la nature humaine. L’efficacité de ces apologues est indubitable: l’auteur met en scène des contre-modèles pour opérer chez le lecteur une catharsis. Voyant ce à quoi mènent l’orgueil et l’avarice, le lecteur se détourne de la grenouille qui explose à force de gonfler d’orgueil. Le divertissement et la critique voire l’instruction se combinent pour une efficacité argumentative maximum.
Au terme de notre propos, on peut convenir que le discours argumentatif tel qu’on a pu l’explorer à travers une série d’exemples empruntés à la littérature du XVIIIème siècle, est particulièrement efficace en termes de défense d’une cause ou de dénonciation d’une injustice. Le choix d’une idée comme la lutte contre l’esclavage colonial défendue sur le mode d’un raisonnement par l’absurde qui n’exclut pas les émotions rendent le texte convaincant et persuasif. D’autres exemples relevant de la fiction peuvent – à y regarder de plus près – avoir tout autant d’efficacité. Les romans réalistes du XIXème siècle (puisqu’on ne parle pas de fictionnalité à proprement parler dans les siècles précédents) illustrent parfaitement le sujet. Enfin d’autres exemples combinent à la fois fiction et argumentation tels que les Fables de la Fontaine. Il s’agissait donc non seulement d’illustrer les idée évoquées dans le sujet et dépasser la formulation plutôt restrictive. Reste qu’on aurait pu également explorer la poésie et le théâtre où les exemples mêlant fiction et argumentation foisonnent. Les pièces les plus efficaces sont probablement celles qui ont payé le prix fort de la censure.
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