Commentaire composé de l’Albatros de Baudelaire

Aujourd’hui, en guise d’entraînement pour le français au lycée, nous vous proposons le plan détaillé du commentaire composé du célèbre poème de Baudelaire : « L’albatros ». Il serait intéressant que l’élève vienne parachever la partie rédactionnelle lors d’un stage avant la rentrée de septembre afin de s’entraîner à rédiger.

Ce poème est extrait du recueil Les Fleurs du mal, qui fait partie du programme de l’éducation nationale de cette année, en vue de la préparation de l’épreuve anticipée de français.

L’Albatros (1859) de Charles Baudelaire in Les Fleurs du mal :

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Les Fleurs du Mal

Plan détaillé de notre commentaire composé

Introduction

Contexte

« L’Albatros » est un poème de Charles Baudelaire composé en 1859, extrait du recueil Les Fleurs du Mal, section « Spleen et idéal », composé de quatre quatrains en alexandrins et rimes croisées (ABAB).

Baudelaire est à mi-chemin entre le romantisme et le symbolisme, un mouvement dont il est le précurseur. Le recueil Les Fleurs du Mal est dédié à Théophile Gautier, chef de file du Parnasse dont la devise est « l’art pour l’art ».

Ce poème est entièrement focalisé sur la souffrance de l’albatros, qui est à l’image de la double tension qui anime le recueil entre spleen (c’est-à-dire le mal être profond du poète) et idéal (l’aspiration à un monde supérieur, inaccessible ici-bas).

Problématique

On essaiera de montrer en quoi l’albatros est une allégorie du poète.

Annonce du plan

On abordera, dans un premier temps, la dimension anecdotique du poème qui concerne, notamment, les deux premières strophes, puis, dans un second temps, la dimension symbolique.

Plan détaillé des idées du développement

1) La dimension anecdotique : le drame

a) Le décor marin-aérien

Les deux premières strophes sont plutôt anecdotiques. Elles évoquent la situation dramatique de l’albatros, qui s’inscrit d’abord dans un décor marin (première strophe), puis dans un décor terrestre (deuxième strophe). Dans ce double décor prend place le drame de l’oiseau dont l’univers est avant tout aérien.

L’univers marin est délimité par la rime « mers » (vers 2) – « gouffres amers ». Il se poursuit à travers le champ lexical du voyage « hommes d’équipage », « oiseaux des mers », « navire », « avirons ».

b) Le contraste terre-mer

L’oiseau est évoqué, d’une part, dans sa dimension aérienne et majestueuse (« roi de l’azur », « grandes ailes blanches », « vastes oiseaux ») et, d’autre part, dans une dimension négative à travers une série d’épithètes impropres : vastes oiseaux, indolents compagnons, maladroits et honteux. Le poète joue sur le rapport antithétique entre majesté et maladresse. Ces épithètes sont impropres dans la mesure où elles renvoient davantage à l’humain qu’à l’animal. Au vers 7 la comparaison des ailes de l’oiseau à des avirons (« comme des avirons » ) tend à laisser penser que les hommes d’équipage et les oiseaux ne font plus qu’un dans le drame. Peut-être peut-on deviner ici une anticipation de la figure allégorique du poète comme nous le verrons dans la seconde partie.

c) Théâtralisation du drame

Au plan anecdotique, le drame de l’albatros s’exprime à travers la perversité des marins. On note le champ lexical du comique qui vise à théâtraliser le drame (« pour s’amuser », « mime »). Le drame s’exprime au plan stylistique à travers la figure du chiasme vers 6-7 :
« Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches« .

On retrouve la même expression du drame au niveau du jeu des rimes :

  • équipage (A) rime avec voyage (B)
  • mers (B) avec amers (A).

albatros

2) Du récit au symbole

a) L’albatros allégorie du poète

Dans les deux dernières strophes, on comprend que ce poème doit être lu comme une allégorie du poète. En effet, on passe de la désignation plurielle de l’albatros (« des albatros ») à celle au singulier de l’animal  sous la forme d’une métaphore (« Ce voyageur ailé »), puis dans la strophe 4 à « le Poète ». On glisse donc successivement du pluriel au singulier et au poète.
Enfin comme dans un jeu de miroir, la strophe trois est consacrée à l’oiseau et la strophe 4 au poète.

On remarque que dans la strophe 3, le vers 9 est une reprise du vers 6 :  » Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule » :

  • reprise du contenu (échos de « rois de l’azur, maladroits et honteux » sur un rythme binaire également)
  • reprise du même rythme avec césure à la sixième syllabe
  • ajout de la triple exclamation qui accentue la souffrance.

On remarque enfin un renversement de l’évocation initiale. En effet, au début, dans la strophe 1, l’équipage puis l’oiseau sont évoqués, alors que dans la strophe 3, c’est d’abord l’oiseau puis l’équipage qui sont évoqués.

b) Grandeur et souffrance

Les adjectifs « comique » et « laid » explicitent les effets produits par l’amusement auquel se livrent les hommes d’équipage sur l’oiseau. L’intensité de la souffrance est rendue par le ton exclamatif et par le terme « brûle-gueule », rimant avec « veule » qui connote aussi bien l’oiseau que l’équipage.

Cette évocation dramatique se conclut sur l’oxymore « l’infirme qui volait ». Le jeu d’échos « mime »-« infirme » redouble l’idée de souffrance dans le rire (des hommes d’équipages).

c) L’albatros ou la « fleur du mal »

L’avant-dernière strophe présente de façon symbolique la souffrance que le poète ressent au sein de la société dans laquelle il vit. Et la dernière strophe joue sur l’allégorie oiseau-poète. C’est celle-ci qui donne la clef de l’interprétation du poème, grâce à la comparaison : « Le poète est semblable au prince des nuées ».

La souffrance a pour nom « l’exil ». Le poète est en réalité un être « maudit ». La rime entre « Prince des nuées » – « au milieu des huées » :  tend à réunir le poète et l’oiseau, tout comme le terme « au milieu ». Reste que le sens les disjoint : l’harmonie des rimes entre en conflit avec la disharmonie que suggère le sens des mots. Ce contraste est à l’image de la situation dramatique qu’endure le poète au sein du monde et de son époque qui ne le comprennent pas.

Conclusion

Résumé

On a essayé de mettre en évidence le drame de l’albatros en insistant sur la théâtralisation du drame qui accentue l’intensité de la souffrance. Dans les deux dernières strophes, on a remarqué que l’albatros est en réalité une allégorie du poète. La vie dramatique de l’oiseau peut être lue comme une parabole qui définit l’existence même du poète. Le drame naît de ce déchirement entre les extrêmes qui est au cœur du recueil.

Ouverture

Un poème comme « Élévation » dit cette aspiration vers le haut ; alors que d’autres poèmes comme « Spleen » disent au contraire cette aspiration vers le bas. La poésie semble être le seul recours possible, la seule issue. Pour s’en convaincre, il suffirait de lire « Parfum exotique » qui suggère une parenthèse heureuse dans cet horizon dramatique.

 

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Vanina Gé
Professeur de français aux Cours Thierry
J'interviens avec le souci constant de répondre au plus près des besoins des élèves de collège et de lycée dans un espace inédit de travail en petits groupes.

5 réflexions au sujet de « Commentaire composé de l’Albatros de Baudelaire »

  1. L’Albatros
    De Charles Baudelaire

    Consigne : vous ferez de ce poème un commentaire composé. Vous pourrez par exemple, sans dissocier le fond de la forme, relever comment l’auteur part de la description du poète pour déplorer sa condition.

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