Sujet de dissertation corrigé pour le bac

Afin de vous entraîner pour  l’épreuve anticipée de français du baccalauréat, nous vous proposons ici la correction d’un sujet récurrent de dissertation :

La seule fonction du comique est-elle de divertir ?

Les sujets sont innombrables et la probabilité de tomber au baccalauréat sur ce même sujet est faible. Néanmoins tout l’intérêt de consulter ces sujets corrigés est d’en extraire la méthode qui peut être appliquée à toute dissertation, ainsi que le contenu utile pour renforcer sa culture et les arguments utilisables par ailleurs.

NB : Les éléments grisés en italique sont mentionnés à titre d’information mais ne font pas partie de la dissertation proprement dite.

Introduction

L’introduction laisse apparaître un premier paragraphe dans lequel on prend le temps d’analyser le sujet (définition des mots-clefs « comique » et « divertissement ») et de l’insérer dans un contexte (Versailles, Louis XIV, Molière, Plaute, Commedia dell’arte). Le deuxième paragraphe énonce le plan dialectique (d’une part, d’autre part, enfin) et la problématique (l’objectif étant…).

Personnages de la commedia dell'arte

La question qui nous est posée « La seule fonction du comique est-elle de divertir ? » attire notre attention sur le lien entre comédie et divertissement. La définition du mot « comique » renvoie en effet à tout ce qui « provoque le rire, et qui appartient à la Comédie ».

Autrement dit, le comique est nécessairement lié au rire et plus largement au divertissement. À Versailles le roi Louis XIV propose en guise de divertissements des ballets et des pièces de théâtre. Les comédies que la troupe de Molière y joue sur commande sont un exemple type de pur divertissement, inspirées des farces de Plaute ou de la Commedia dell’arte dont Molière reprend les intrigues ou les scènes farcesques.

C’est précisément sous l’angle du divertissement d’une part qu’il s’agira d’aborder la question du comique en s’arrêtant sur les différents procédés propres au registre comique : du comique de situation au comique de gestes ou de mots dont les pièces de Molière regorgent. D’autre part, il conviendra d’envisager d’autres fonctions possibles du comique, notamment morale ou critique. La dénonciation des travers de la société visant à instruire le spectateur étant l’exemple le plus frappant. Cette double perspective du divertissement et de la critique nous permettra enfin d’appréhender la comédie comme un espace idéal à mi-chemin entre l’omnipotence du roi et la liberté de l’auteur voire des acteurs ou encore spectateurs. L’objectif principal étant de saisir ce qui fonde réellement une comédie.

1ère partie : comique et divertissement

La première partie qui suit est introduite par quelques considérations sur le divertissement à la cour du roi et ensuite consacrée aux différentes formes de comique à travers trois exemples précis. On aboutit à une réflexion sur le rire du lecteur et sur la fonction supposée du rire qui consiste à divertir pour détourner le lecteur de la réalité effrayante de l’existence.

Les comédies s’offrent aux lecteurs ou aux spectateurs comme un espace privilégié de divertissement. On peut dire qu’il s’agit de l’une des principales missions du comique. La représentation théâtrale à la cour du Roi peut être perçue comme la forme la plus aboutie du texte capable de divertir un large public. LorenzaccioA sa seule lecture cependant, le texte est capable de libérer sa charge comique que le lecteur peut apprécier en imaginant le jeu des personnages. Certaines pièces dont Lorenzaccio d’Alfred de Musset sont d’ailleurs conçues pour être lues. Les comédies de Molière en revanche sont écrites pour être représentées sur scène. De ce point de vue, le divertissement est total. La mise en scène met en valeur le comique par le choix des costumes qui varient en fonction du personnage qu’il soit valet ou seigneur.

Si l’on s’intéresse aux textes, l’on se rend compte que les formes de comique sont variées. C’est précisément en jouant sur cette variation que l’auteur atteint son objectif, celui de divertir c’est-à-dire « détourner » de la réalité souvent cruelle de l’existence. Les formes du comique varient du comique de situation reposant sur des quiproquos au comique de caractères (défauts, manies, obsessions ridicules) ou de mœurs (les travers d’un groupe social) en passant par le comique de mots (insultes, répétitions, patois) ou encore de gestes (coups de bâton, grimaces). Dans tous les cas, c’est le pouvoir des mots qui réjouit le lecteur et lui permet de s’évader.

Pierre CorneilleEn guise d’illustration, on peut citer la comédie Le menteur (1643) de Corneille : le personnage de Dorante tente d’échapper à un mariage arrangé par son père Géronte en inventant un mariage secret (acte II, scène 5) avec Orphise. En réalité, la jeune fille que son père lui destine n’est autre que Clarice, la jeune fille qu’il aime. Le comique repose sur ce décalage persistant entre les personnages. Dans cette pièce, le divertissement du lecteur tient aux multiples ressources mises en œuvre, le quiproquo bien sûr mais aussi l’artifice de l’aveu mensonger : Dorante met en place une ruse pour piéger son père tout en étant lui-même piégé. La mise en abyme du piège divertit et crée un effet de suspens jusqu’à la phase finale du dénouement où Dorante épousera Clarice.

Dans l’Avare, Molière exploite une autre forme de quiproquo : Valère s’introduit chez Harpagon (acte V, scène 3) en se faisant passer pour un valet car il est amoureux d’Élise, la fille d’Harpagon. Le quiproquo est de l’ordre du déguisement visuel (apparence d’un valet) et verbal aussi. Les deux personnages s’entretiennent sur une « affaire » sans jamais véritablement la dévoiler, ce qui les maintient en porte-à-faux. Le comique repose sur cette double passion pour la cassette (Harpagon) et pour Élise (Valère) qui se contaminent tout en étant décalées : Valère parle de sa passion pour Élise (« c’est une ardeur toute pure et respectueuse que j’ai brûlé pour elle ») pendant qu’Harpagon croit qu’il s’agit de sa cassette (« brûlé pour ma cassette »). L’avarice d’Harpagon tend à montrer que le comique de situation se double d’un comique de caractère.

Dans Les Fourberies de Scapin, les ressources linguistiques participent du comique lorsque Scapin s’exprime en patois (acte III, scène 2). Le lecteur se trouve dérouté par un langage qu’il ne comprend que partiellement. Le langage médical ou latin ou encore purement inventé ou déformé crée cet effet. Par ailleurs, le comique de mots se double d’un comique de gestes dans la scène des coups de bâtons. Le personnage de Scapin est à lui tout seul une incarnation du génie comique qui parcourt l’ensemble de la pièce. Scapin ne dit-il pas « le Ciel, l’un après l’autre, les amène dans mes filets » (II, 6). Le « ciel » renvoie ici au ciel comique dans lequel le personnage évolue avec aisance.Les fourberies de Scapin - scène du sac

Transition de la première partie à la deuxième

Nous avons choisi ces exemples pour montrer qu’une seule scène peut réunir plusieurs formes de comique dont le but principal est réellement de susciter le rire et plus généralement de divertir. Ce qui est risible, c’est le personnage prisonnier de ses petitesses. L’objet du rire n’est pas tant le personnage en lui-même, c’est le vice qu’il incarne et qu’il convient de corriger. Le rire y participe. Il est le témoin de la prise de conscience des travers mis en scène. En riant, le lecteur prend conscience de la situation. On a l’impression que la distance qui s’installe par le rire permet de conjurer tout ce qui dans l’existence effraie. Le rire sert d’exutoire. En formulant les choses ainsi, on se rend compte que le comique recouvre d’autres fonctions notamment morale et critique qui n’entrent cependant pas en contradiction avec le divertissement.

2ème partie : la comédie, critique de la société

Le comique en réalité est au service d’une réflexion plus profonde dans la mesure où il vise à dénoncer les ridicules des mœurs d’une société. Dans cette perspective, on a affaire bien souvent à un comique empreint d’ironie. Il s’agit de se moquer de quelque chose ou de quelqu’un en disant le contraire de ce qu’on pense. Bien que les deux registres comique et ironique soient distincts, ils peuvent parfois se compléter. Le comique dans ce cas précis véhicule des messages que le lecteur plutôt vif d’esprit sera amené à déchiffrer.

Molière a dans ses pièces un grand nombre de cibles parmi lesquelles les hypocrites, les faux dévots, les coquettes des salons, les précieuses, les médecins, les obsédés qu’il s’agisse d’obsession de l’argent ou sexuelle. On pense pour l’obsession de l’argent au personnage d’Harpagon qui accuse tout le monde de l’avoir volé ou encore Géronte dans Les Fourberies de Scapin qui est d’accord pour payer la rançon de son fils mais qui en réalité empoche la bourse chaque fois qu’il est censé la donner. Un zanni et son masqueL’obsession sexuelle serait davantage incarnée par Tartuffe qui inscrit ses pas dans la tradition des zannis (les valets) : « couvrez ce sein que je ne saurais voir » (III, 2) dit Tartuffe à Dorine. Tartuffe est le fourbe par excellence : il veut séduire la femme d’Orgon dont il dit être l’ami. Molière dénonce l’hypocrisie du personnage. Il transgresse toutes les règles du bien-vivre en société (l’amitié par exemple), les dix commandements (« tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin », « tu ne commettras pas l’adultère »). Le personnage transgresse les règles du catholicisme qui est la religion d’État. Molière dénonce pour instruire. Toutefois cette critique du personnage cache aussi une critique de la religion. On est confrontés à une critique de la fausse dévotion mais aussi à une dénonciation de l’hypocrisie jésuite.

Si l’on considère Les Précieuses ridicules ou encore Le misanthrope, on se rend compte que Molière vise les coquettes des salons mondains du XVIIème siècle ou encore la préciosité excessive. Les précieuses ridiculesEn 1659, lors de la première représentation des Précieuses ridicules, Molière vise les bourgeois qui veulent imiter les nobles et adoptent des manières soignées à la limite du ridicule. Molière fustige cette dégradation de la préciosité chez les bourgeoises qui imitent de manière sotte le véritable raffinement aristocratique du courant mondain des années 1620. Dans la bouche de ses héroïnes Magdelon et Cathos, le « conseiller des grâces » sert à désigner le miroir ou encore « les commodités de la conversation » pour parler du fauteuil. Molière se moque des précieuses qui ont perdu le sens commun que seules les servantes comme Marotte sont en mesure de conserver.

Dans Le malade imaginaire ou bien Le bourgeois gentilhomme, Molière vise les manières de vivre ou de parler ou encore de penser de son temps en grossissant les traits de ses personnages jusqu’à la caricature. Dans Le médecin malgré lui, les médecins sont visés et plus généralement le corps dans ses fonctions les plus basses puisqu’on lui fait subir des lavements. Le malade en devient répugnant à cause des odeurs que son corps exhale. Les jeux de mots et les odeurs vont de pair. Par exemple dans la scène 4, acte II lorsque Sganarelle s’adressant à Géronte dit : « La matière est louable ? » en parlant des excréments. A travers la critique du corps malade, c’est le corps social tout entier qui est visé. En fait le comique vise à éduquer le spectateur en lui apprenant la vertu, en lui enseignant à corriger les défauts.

3ème partie : la comédie de Molière une voie moyenne entre la règle et l’écart

Au-delà de cette approche, si l’on tient compte du rapport au pouvoir, on s’aperçoit que le comique qui sous-tend la raillerie permet de contourner la censure notamment dans un contexte de monarchie absolue. Molière a réussi à la cour du Roi Soleil tout en se moquant du ridicule de celle-ci. La comédie est en quelque sorte un espace idéal à mi-chemin entre le pouvoir et la société. C’est une sorte de voie moyenne qui peut servir de repère et dans certains cas de contre-pouvoir. Quel que soit l’angle d’approche de la question (divertissement, critique sociale, instruction, contournement du pouvoir), on se rend compte que la comédie ou le comique plus exactement, sait se rendre indispensable voire incontournable pour dénoncer les excès ou faire prendre conscience de l’injustice ou des abus. En réalité, le comique comporte une veine politique notamment lorsque la satire sociale se montre sous un jour corrosif bien que comique. C’est précisément le côté subversif des pièces qui fait craindre aux auteurs les brimades de la censure. Les pièces de Molière s’inscrivent dans cette veine mais pas seulement. On pense aussi au Barbier de Séville ou au Mariage de Figaro de Beaumarchais. Reste que cette subversion n’outrepasse jamais les règles de la bienséance et de la vraisemblance. Que la comédie provoque le rire ou la réflexion par le biais des émotions, elle a pour fonction principale l’édification morale du lecteur. Ce qui importe, c’est cette possibilité d’offrir un juste milieu entre l’utile et l’agréable, une reprise de la sentence d’Horace : « Il obtient tous les suffrages, celui qui unit l’utile à l’agréable, et plaît et instruit en même temps » (Art poétique, III, 342-343). Autrement dit, les comédies de Molière ouvrent une voie moyenne entre la règle (ou la dictature des règles contre laquelle Molière s’insurge dans La critique de l’école des femmes) et l’écart.

Un zanni et son masque

Conclusion

Au terme de cette réflexion sur la fonction principale du comique, nous avons pu démontrer qu’il convient sans cesse de dépasser un premier degré de lecture qui consisterait à considérer les comédies comme un pur et simple divertissement. Cette dimension est bien entendu primordiale mais d’autres nuances viennent s’enchâsser dans le « décor » comique. En approfondissant la question, on se rend compte que l’utile et l’agréable sont étroitement liés. Le comique a une fonction didactique indéniable. D’autre part, il peut servir de parade pour contourner la censure. Cette remarque nous amène à percevoir combien la comédie sous son aspect léger et frivole est dotée d’une grande profondeur digne des esprits les plus vifs.

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Vanina Gé
Professeur de français aux Cours Thierry
J'interviens avec le souci constant de répondre au plus près des besoins des élèves de collège et de lycée dans un espace inédit de travail en petits groupes.

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