Explication linéaire : « Le silence » in Mes forêts – Hélène Dorion

Le silence

si je marche
avec les ombres de ma vie
comme de lourds oiseaux
qui dévorent les promesses
suis-je l’arbre suis-je la feuille
grugée par les saisons

je ne sais pas
ce qui se tait en moi
quand la forêt
cesse de rêver

Introduction à l’explication linéaire

Nous avons déjà décrit la biographie d’Hélène Dorion dans d’autres pages que vous pouvez consulter :

Le poème « Le silence » est issu de la première partie « L’écorce incertaine ». Ce titre implique par le terme écorce la solidité, la force mais associé à « incertaine » devient quelque chose de fragile, de destructible, qui perd son caractère intemporel. Le poème « Le silence » est en vers libres. Il lie la personne à la nature et révèle la faiblesse de la forêt pour mettre en lumière la sienne.

Le poème est constitué de trois mouvements :

  1. Quatre premiers vers : confusion ressentie par la poétesse
  2. Deux vers suivants : identification de la poétesse à la nature
  3. Quatre derniers vers : dépendance de la poétesse envers la forêt.

Ces trois mouvements invitent à comprendre par quels moyens littéraires la poétesse crée une dépendance de l’homme envers la nature.

Analyse du titre « Le silence »

Le titre évoque le calme de la forêt, calme qui peut être rassurant et reposant, mais aussi inquiétant. Ce qui est le cas dans ce poème. Ce silence est implicite, puisque le mot n’est jamais nommé dans le poème, mais il est le sujet des deux derniers vers.

1er mouvement : confusion ressentie par la poétesse

si je marche
avec les ombres de ma vie
comme de lourds oiseaux
qui dévorent les promesses

les ombres de ma vie
les ombres de ma vie

Le poème débute par une condition « si » impliquant une situation qui n’est pas réelle, mais plausible. Le pronom personnel « je » et le verbe d’action « marche » réfèrent à la poétesse et à son habitude de se promener dans la forêt.

Cette condition indique qu’entrer dans la forêt nécessite un état particulier. Cet état est formulé dans le vers suivant : la métaphore « ombres de ma vie » réfère au passé de l’auteur. Passé qui est exprimé comme encombrant par la comparaison « comme de lourds oiseaux ».

Dans la mythologie grecque, les oiseaux du lac Stymphale constituent le sixième des douze travaux d’Hercule. Il avait pour mission de les tuer tous. Il y parvint, aidé par Athéna.

Le bec, les pattes et les ailes de ces oiseaux étaient en bronze et ils dévoraient de la chair fraîche. Ils se reproduisaient en grand nombre auprès du fleuve du même nom, s’envolant par bandes, de temps en temps, pour tuer des hommes et des animaux en leur lançant une grêle de plumes de bronze, en outre leur fiente empoisonnée détruisait les récoltes. Source : Mythologie grecque –  Les oiseaux du lac Stymphale.

La proposition subordonnée relative du vers suivant, introduite par le pronom relatif « qui » (les oiseaux) sujet de « dévorent » a pour complément d’objet le groupe nominal « les promesses ». Celles-ci sont en opposition aux « ombres de la vie » – le passé – et représentent donc le futur de la poétesse. Le verbe « dévorent » évoque la bestialité.

Ce premier mouvement met en opposition les souvenirs et le futur d’une personne, impliquant que ces souvenirs empêchent de vivre. Pour être en harmonie avec les forêts, il faut se libérer de ce passé qui se révélera trompeur.

2ème mouvement : identification de la poétesse à la nature

suis-je l’arbre suis-je la feuille
grugée par les saisons

suis-je l’arbre suis-je la feuille
suis-je l’arbre suis-je la feuille

Le 2ème mouvement débute par deux questions remettant en cause l’humanité de la poétesse. Et l’identifie en éléments naturels « l’arbre », « la feuille ». L’espace entre les deux questions est un silence, celui du titre. Il a pour effet de marquer une pause dans la lecture et de rendre compte du calme de la forêt.

Le second vers commence par un verbe de registre familier « grugée » signifiant trompée. Le complément d’agent par les saisons, signifie que c’est le temps lui-même qui trompe la nature comme la poétesse : l’homme est trompé par son passé, et ne sait plus différencier ce qui a été, ce qui est et ce qui sera.

Ainsi la nature est déréglée par des saisons méconnaissables et l’homme est aussi déréglé. Le lien entre la nature et l’homme est établi par un dérèglement commun.

3ème mouvement : dépendance de la poétesse envers la forêt

je ne sais pas
ce qui se tait en moi
quand la forêt
cesse de rêver

ce qui se tait en moi
ce qui se tait en moi

La négation est omniprésente dans ce dernier mouvement : une négation syntaxique au premier vers « ne…pas », suivie de deux négations lexicales « tait », « cesse ». Elles traduisent l’impuissance de la poétesse à comprendre ce qu’elle vit et cette impuissance est liée à la forêt.

Le premier vers traduit son ignorance et son incapacité à maîtriser ce qui lui arrive. Le verbe réfléchi « se tait » renvoie à elle-même et est synonyme de mort. Ainsi, elle ne peut nommer ce qui disparaît en elle, mais elle le ressent malgré tout. La sensation devient plus importante que la connaissance. Elle ressent ce silence.

Le complément circonstanciel de temps introduit par « quand » crée une dépendance entre ce qui meurt en elle et ce qui disparaît dans la forêt.

Le dernier vers personnifie la forêt par le verbe « rêver ». Ainsi, le lecteur comprend les rêves des hommes s’éteignent. Et donc leur futur.

Conclusion

Dans ce poème, la faiblesse des forêts et de l’homme sont associées. Le passé empêche de vivre, le futur est incertain. Le dérèglement de la nature entraîne celui de l’homme. Les procédés utilisés sont une comparaison, l’opposition passé vs futur, la négation et l’identification.

Ces procédés mettent en évidence les liens qui unissent la nature et l’homme et la dépendance de celui-ci à une nature qui doit être viable. Le poème révèle que ce n’est pas le cas. Le poème, par le thème de la faiblesse, est à rapprocher du poème « Les racines ».

Nous aurons plaisir à vous recevoir lors de nos prochains stages de français des vacances de Toussaint pour étudier plus avant l’œuvre d’Hélène Dorion !

Vanina Gé

J’interviens en Français avec le souci constant de répondre au plus près des besoins des élèves de collège et de lycée dans un espace inédit de travail en petits groupes.

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